Captages prioritaires

L'Isère compte 28 captages classés prioritaires depuis le SDAGE 2022, à une exception près, tous font l'objet d'une dynamique portée par les collectivités en charge de la gestion de ces captages, ces collectivité peuvent s'appuer sur la participation indispensable des structures porteuses de contrats de milieux (SAGE, contrats de rivière), de la Chambre d'Agriculture et de l'Agence de l'Eau. Cette dynamique associe par ailleurs de nombreux autres acteurs.

La démarche “captages prioritaires” s’appuie sur la directive européenne cadre sur l’eau (DCE) de 2000 qui a fixé des objectifs de bon état des masses d’eau et de réduction des coûts de la potabilisation des ressources destinées à la consommation humaine. Elle vise ainsi à disposer d’eaux brutes (non traitées) respectant les limites de qualité du code de la santé et concerne les pollutions par les nitrates et pesticides d’origine agricole.

Un captage peut être classé prioritaire lorsqu’à une qualité dégradée sur au moins l’un des deux paramètres ci-dessus s’ajoutent des enjeux significatifs pour la desserte en eau potable des populations locales. Ce classement implique la mise en œuvre des mesures préventives permettant la reconquête de la qualité de la ressource. Le classement est établi au sein des Schémas Directeurs d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) des grands bassins hydrographiques depuis le cycle 2010-2015, il n’est pas définitif : lors de la révision du SDAGE, il peut s’avérer que la qualité d’un captage s’est améliorée avec des indicateurs repassant sous les seuils de dégradation, dans ce cas, et sous réserve d’établir le caractère pérenne de la reconquête, l’ouvrage est retiré de la liste prioritaire au SDAGE suivant.

Lorsqu’un captage est classé prioritaire, un plan d’action de lutte préventive contre les pollutions avérées doit être mis en œuvre sur un périmètre pouvant s’étendre à la totalité de l’aire d’alimentation du captage (AAC) qui constitue l’espace où chaque fraction d’eau peut aboutir à l’ouvrage de prélèvement au terme de son cheminement. S’il est possible de démontrer que certains secteurs seulement de l’AAC sont significativement contributifs à la qualité du captage, le périmètre d’action peut être restreint à ces secteurs, il s’agit alors de la zone prioritaire de l’AAC (ZP-AAC). Ces délimitations doivent être établies sur la base d’études hydrogéologiques permettant de caractériser le fonctionnement de l’aquifère et sa vulnérabilité, ainsi qu’au regard d’études diagnostiques sur les activités susceptibles d’altérer la qualité de la ressource (aléas).

Le programme d’action est construit sous la gouvernance de l’exploitant du captage, de manière concertée avec l’ensemble des acteurs gravitant autour de la sphère agricole (exploitants, coopératives, organismes représentatifs de la profession, filières…). Il est pertinent d’associer également les associations de protection de la nature, les associations de consommateurs d’eau, ainsi que tout autre partenaire jugé pertinent dans le contexte des activités implantées autour de la ressource.

Le plan d’action est mis en œuvre sur la base de l’adhésion volontaire des parties prenantes et peut exploiter tous les outils permettant de faciliter l’atteinte des objectifs de reconquête : volontaires, contractuels et fonciers. Il vise des actions plus ambitieuses que les mesures réglementaires existantes, sans préjudice de celles-ci.

Ainsi le programme peut développer des actions de sensibilisation, d’évolution des pratiques agronomiques, d’investissements, de contractualisation à travers des programmes comme les mesures agro-environnementales ou les paiements pour services environnementaux, de développement de filières moins impactantes ou de création d’infrastructures agro-écologiques. Il peut aussi élaborer une stratégie foncière avec l’acquisition de parcelles destinées à des cultures répondant à un cahier des charges environnemental.

Si le plan d’action repose sur le volontariat, il doit être formalisé : des objectifs de résultats et de moyens doivent être annoncés, un suivi et une évaluation doivent être tenus. Il s’agit d’une démarche vivante nécessitant un lien permanent entre l’animateur (le maître d’ouvrage) et les différentes parties prenantes. Le plan d’action s’adapte au suivi de la qualité, à l’amélioration de la connaissance du contexte, à l’évolution des pratiques agricoles, au développement de nouvelles filières, il est amené à saisir toutes les nouvelles opportunités d’agir en faveur de la préservation de la ressource.

Les services de l’État peuvent également mettre en place des mesures obligatoires sur la ZP-AAC des captages prioritaires à l’aide de l’ outil réglementaire des zones soumises à contraintes environnementales (ZSCE).

Les approches volontaire et réglementaire sont ici souvent perçues de manière opposée. Au regard d’une part, des mesures transversales qui sont déployées dans les plans d’action volontaires telles que le développement de filières, l’investissement, le foncier, et d’autre part, des mesures réglementaires édictées dans le code rural applicables aux seuls propriétaires et exploitants agricoles, il convient plutôt d’évoquer une complémentarité dans ces deux approches.

Par ailleurs, l’approche réglementaire est parfois perçue comme une solution lorsque l’approche volontaire ne produit pas de résultats satisfaisants. Il faut sur ce point dissocier l’atteinte des objectifs de résultats (la qualité de la ressource en eau) de l’atteinte des objectifs de moyens (la mise en œuvre du plan d’action) et examiner plus particulièrement ces derniers en se dissociant des paramètres « exogènes » qui interfèrent dans l’atteinte des objectifs de résultats : temps de renouvellement des nappes et stockage des polluants « historiques » notamment. S’il apparaît effectivement que les objectifs de moyens sont insuffisants, le recours à un socle réglementaire peut permettre de soutenir la protection de la ressource face aux pollutions d’origine agricole.

Ainsi, la possibilité d’introduire plus de coercition dans la démarche « captages prioritaires » ne peut relever d’une doctrine mais doit être examinée au cas par cas. Les services de l’État et de bassins développent et partagent en conséquence leurs outils de suivi afin de mesurer l’efficience des plans d’action pour chaque captage prioritaire, que ce soit à travers la mise en place de stratégies régionales (stratégie Eau-Air-Sol en Auvergne-Rhône-Alpes) ou par un suivi plus précis au sein du Plan d’Action Opérationnel Territorialisé (PAOT) du SDAGE.

Le renforcement du suivi global de cette politique publique exprime une ambition renouvelée de la démarche « captages prioritaires » qui constitue l’un des trois grands objectifs dégagés lors des assises de l’eau de 2019, elle trouve sa cohérence dans le contexte prolifique de nouvelles politiques de préservation de la qualité de la ressource en eau qui sont elles-mêmes une réponse apportée aux enjeux de l’accès de tous à une eau potable de qualité en quantité suffisante.

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