1 - Introduction à la réglementation forestière

La forêt, un bien d'intérêt national

La conservation des forêts est une préoccupation très ancienne de l’État. L’administration forestière a été créée par Philippe le Bel en 1291, et le premier Code Forestier a vu le jour en 1346 par Philippe de Valois. Il a été revu plusieurs fois au long de l’histoire, mais le fondement du Code Forestier de 1827 a été conservé, instaurant une restriction des droits d’usage dans les forêts, avec une visée de restaurer la surface forestière et la production durable des peuplements.

Depuis 2001, les premiers articles du code présentent les principes fondamentaux de la politique forestière :

Les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers.

 Sont reconnus d'intérêt général :

1° La protection et la mise en valeur des bois et forêts ainsi que le reboisement dans le cadre d'une gestion durable ;

2° La conservation des ressources génétiques et de la biodiversité forestières ;

3° La protection de la ressource en eau et de la qualité de l'air par la forêt dans le cadre d'une gestion durable ;

4° La protection ainsi que la fixation des sols par la forêt, notamment en zone de montagne ;

5° La fixation du dioxyde de carbone par les bois et forêts et le stockage de carbone dans les bois et forêts, le bois et les produits fabriqués à partir de bois, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique.

La loi forestière vise plusieurs objectifs principaux :

- conserver la surface forestière,

- promouvoir la gestion durable des forêts pour un approvisionnement durable de la filière,

- promouvoir la hiérarchie des usages dans le bois : bois d’œuvre en priorité, puis bois d’industrie et enfin bois énergie.


Les particularités du milieu forestier

Le milieu forestier est caractérisé par la présence d'arbres dont la durée de vie se déroule sur plusieurs générations humaines, par la vie d'un cortège important d'espèces qui dépendent du maintien du milieu. Ainsi certaines espèces ne vivent que dans des forêts dites anciennes, dont la présence est attestée depuis des siècles (études FRAPNA, IRSTEA).

Les forêts abritent par ailleurs de nombreuses espèces protégées végétales et animales.

L'évolution du milieu forestier se conçoit sur plusieurs décennies, et chaque action menée peut avoir des conséquences sur le long terme : une mise en lumière brutale peut remettre en question un boisement sur plusieurs décennies, un tassement du sol peut diminuer de manière très importante la qualité de la vie souterraine, diminuer la croissance des arbres, provoquer un changement de flore...

Le changement climatique en cours, notamment, aura des conséquences que l'on a du mal à appréhender, tant les interactions sont complexes et les adaptabilités des espèces végétales peu connues.


Les fonctions de la forêt

La forêt a plusieurs fonctions : production de bois, protection contre les risques naturels, protection de la biodiversité, fonction sociale (accueil du public, chasse, ressource en eau...).

En Isère, la fonction de production est importante : 471000 m³ de bois sont mobilisés chaque année (chiffre 2015), représentant plus de 4300 emplois (chiffre 2011).

La fonction de protection contre les risques naturels est primordiale, avec 25 % des 254000 ha de forêts en situation de protéger des enjeux moyens à forts.

La protection de la biodiversité est une donnée constante en forêt : en Isère, en plus de la biodiversité dite "ordinaire" présente en forêt, près de 31000 ha de forêts sont situées dans des zones ayant un statut de protection. Les surfaces forestières situées en zones d'inventaire remarquables sont également très importantes : environ 102 000 ha en ZNIEFF de type 1, plus de 250 000 ha en ZNIEFF de type 2.

La fonction sociale enfin est une composante essentielle de la forêt iséroise : forêts d'exception, lieux connus pour l'accueil du public, sentiers de randonnée en forêt ...

De nombreux captages d'eau potable sont protégés par des surfaces forestières : environ 44000 ha de forêts sont situés en périmètre de protection de captage.


Conséquences sur la réglementation forestière

Le Code Forestier présente les dispositions législatives et réglementaires en matière de forêt.

1- Protection de la surface forestière

Les défrichements sont les opérations qui consistent en la suppression de l’état boisé et le changement de vocation du sol.

Les défrichements sont sous le régime d'autorisation : dans les massifs forestiers de plus de 4 ha (0,5 ha en forêt alluviale), aucun défrichement, quelle qu’en soit sa surface, ne peut être entrepris sans autorisation de la DDT (article L.341-1 du Code Forestier). Le défrichement peut être autorisé ou refusé selon des critères définis par le Code Forestier (article L.341-5).

2- Encadrement de la gestion forestière à objectif de gestion durable et de préservation de la hiérarchie des usages du bois

La gestion durable permet un approvisionnement constant de la filière bois.

La hiérarchie des usages du bois priorise les usages dits « nobles » du bois, qui sont les plus durables. Elle est la suivante :

  1.  Bois d’œuvre : construction, charpente, mobilier…
  2.  Bois d’industrie : palette, papier, caisserie…
  3.  Bois énergie : bois bûche, granulés, plaquettes forestières.

L’usage du bois induit une culture différenciée des peuplements forestiers : pour obtenir du bois d’œuvre, la futaie doit être privilégiée (schéma), alors que le bois énergie peut provenir de bois de taillis.

 

La gestion durable permet également à la forêt d’assurer l’ensemble de ses fonctions environnementales et sociales : ainsi, privilégier la futaie induit une gestion selon des cycles longs qui permettent aux cortèges d’espèces forestières de se développer. Les coupes progressives permettent notamment de protéger la ressource en eau et de lutter contre l’érosion des sols.

2.1 - Obligation de garantie de gestion durable :

Toutes les forêts publiques relevant du régime forestier, ainsi que les forêts privées de plus de 25 ha sont tenues de disposer d’un document de gestion agréé (articles L.211-1, L.212-1, L.312-1 du Code Forestier).

L’agrément est prononcé par le Centre Régional de la Propriété forestière en forêt privée, et par les services de l’État en forêt publique.

Les propriétés ayant bénéficié d’un avantage fiscal (réduction ISF / réduction frais de succession ou donation) sont également tenues de disposer d’une garantie de gestion durable pendant 30 ans : plan simple de gestion, règlement type de gestion, code de bonnes pratiques sylvicoles.

Pour être agréé le document de gestion doit respecter les règles :

  •  de la gestion durable,
  •  de l’amélioration sylvicole permettant de respecter la hiérarchie des usages.

2.2 - Encadrement de la gestion forestière en dehors des garanties de gestion durable :

Dans les forêts non soumises à garantie de gestion durable, c’est-à-dire les forêts privées de moins de 25 ha n’ayant pas bénéficié d’avantages fiscaux et les forêts publiques non susceptibles d’aménagement et d’exploitation régulière, la réglementation vise à protéger la futaie et à assurer la pérennité des peuplements forestiers.

Ainsi, certaines coupes sont soumises à autorisation et d’autres sont soumises à reconstitution obligatoire :

- Toute coupe de plus de 2 ha prélevant plus de la moitié du volume des arbres de futaie est soumise à autorisation préfectorale,

- Après toute coupe rase de plus d’un hectare, une régénération satisfaisante (naturelle ou par plantation) doit être réalisée dans les 5 ans.


Conséquences sur les aides de l’Etat

Pour favoriser la gestion durable, et partant du principe que la forêt présente des revenus sur le long terme, l’Etat a mis en place des avantages fiscaux, ainsi que des aides à l’investissement forestier :

  • réduction des frais de notaire en cas de mutation à titre gratuit (donations – successions) en contrepartie d’une garantie de gestion durable pendant 30 ans,
  •  réduction de l’ISF en contrepartie d’une garantie de gestion durable pendant 30 ans,
  •  aides publiques à la construction de desserte,
  •  aides publiques à l’exploitation par câble,
  •  aides publiques à la sylviculture en forêt à fonction de protection,
  •  aides publiques à l’investissement de prévention des incendies de forêt.